Un crime aux Maisons Blanches

En 1917, René Pineau, maçon, se marie avec Anne Chartier, beaucoup plus âgée que lui.
Le couple s’installe à Potonnier, hameau de Loubillé. Quelques semaines après leur mariage, René suggère à sa conjointe de lui léguer ses biens en cas de décès. Une fois l’acte signé René change radicalement de comportement. Les sourires cèdent la place aux coups. Très vite la vie d’Anne devient un véritable enfer. Son calvaire dure des années. Les voisins ne s’inquiètent ni des cris de douleur ni des confidences de cette femme battue. Même les agressions publiques ne les inquiètent pas.

En 1923, après un deuxième enfant, Anne meurt dans les bras de sa sœur en râlant : « mon mari m’a donné un bouillon que je n’ai pas trouvé bon. » Son mari dort paisiblement à côté.
Malgré les circonstances étranges du drame, la justice n’ouvre aucune information.

Deux ans plus tard, René courtise Marie Tirant qui possède quelques économies. Malgré les circonstances précédentes, Marie se laisse séduire. Après plusieurs mois, les amants se marient et se font donation mutuelle.
Conforté par les circonstances du premier drame, René se laisse aller à d’innombrables querelles publiques.
Les voisins sont continuellement dérangés par des cris.
Certains se déplacent parfois pour voir ce qui se passe, mais le malin René parvient toujours à sortir de la maison avant leur arrivée.

Vers 1940, une nouvelle scène ponctuée de cris de douleur va enfin faire réagir mesdames Guyenne et Gilard, deux amies de Marie. Elles entrent chez le couple Pineau. Marie est seule, le bras et la bouche en sang. Elle explique que son mari est entré alors qu’elle s’apprêtait à allumer le feu. Lui reprochant de gaspiller l’argent du foyer, il a saisi un bâton et l’a frappée. Quelques heures plus tard, des hurlements s’échappent de nouveau du domicile Pineau

Madame Guyenne s’élance seule cette fois. Elle entre sans frapper. Etendue sur le sol, Marie est en sang. Son mari debout, lui martèle le visage à coups de talon de son sabot ferré. Madame Guyenne crie : « arrêtez, vous allez la tuer. ». L’agresseur lui rétorque : « Oui, je la tuerai ou il faudra qu’elle change ».
Les jours suivants, les cris reprennent. Madame Guyenne ronge son frein. Son mari lui a formellement interdit de s’occuper des affaires des autres.

Lors d’une visite d’André Tirant, frère de Marie, René, sans raison, se lève et frappe sa femme d’un coup de bâton dans les reins et dans l’estomac. André réagit enfin et se décide à prévenir les autorités.

Deux jours plus tard, les époux se séparent, au grand soulagement des autorités qui n’engagent aucune poursuite à l’encontre de l’agresseur.

C’est une défaite pour René. Dans sa stratégie d’enrichissement, il doit la faire revenir. Huit jours après la séparation, il va la chercher chez son frère chez qui elle s’est réfugiée.

Son calvaire reprend. Les autorités ne s’en offusquent pas. Entre décembre 1945 et mars 1946, Marie multiplie les confidences à ses amies : « J’ai bien peur que, dans un temps ou dans un autre, il ne me tue. ».

Le 25 mars 1946, à 9 heures du matin, René part au travail. Il revient deux heures plus tard. Un passant est surpris par des bruits provenant du domicile. Comme aucun cri n’accompagne ce martèlement, il poursuit sa route. A 13 heures 30 René part travailler aux champs. Il revient vers 16 heures. Aussitôt, il ressort de chez lui en hurlant : « Ah ! Mes chers voisins, ma malheureuse femme est morte ! Ma jument l’a tuée ! ».

Une autopsie prouvera que la jument est innocente.

Le suspect est arrêté le 28 mars 1946. Le juge d’instruction René François Rondier enquête auprès des habitants de Loubillé. Les langues enfin se délient.René nie tout en bloc. Face à tant de mauvaise foi, le juge d’instruction s’intéresse alors à la première épouse. Il se rend au cimetière le 11 mai 1946, où fut enterrée en 1923, Anne. Malheureusement, les tombes ne comportent aucune inscription et les mémoires sont défaillantes. Il clôt l’instruction quelques jours plus tard.

René Pineau est envoyé devant la cour d’assises des Deux-Sèvres pour y répondre de l’assassinat de sa deuxième femme. Le 12 août 1946, il se présente devant les jurés et le président du tribunal, Arnaud Ménardière. L’accusé nie toujours. Les jurés se retirent. Après trente minutes de délibération, René Pineau est déclaré coupable du meurtre de sa seconde épouse avec circonstances atténuantes. Celles-ci lui sauvent sa tête. Il est condamné au bagne à vie.

(D’après Olivier Goudeau – Les grandes affaires criminelles en Deux-Sèvres de 1811 à 1939)